Robert Card. Sarah CONFÉRENCE – CATÉCHÈSE – Festival des Jeunes de Medjugorje, Mardi 3 août 2021

Date: 07.09.2021.

INTRODUCTION

Chers amis du Festival des Jeunes,

Le thème de votre rencontre est le suivant : « Que dois-je faire de bon ? ». Cette phrase, extraite de l’évangile selon saint Matthieu (19, 16) est incomplète, car l’interlocuteur de Jésus, qui pose cette question, ajoute : « pour avoir la vie éternelle ? », et il qualifie le Seigneur de « Maître ». La question complète est donc celle-ci : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? ». Nous pouvons déjà faire deux remarques en guise d’introduction : tout d’abord, cet homme est à la recherche du sens de sa vie, c’est-à-dire de ce qui va lui permettre de connaître le vrai bonheur en faisant ce qui est bon, c’est-à-dire en agissant avec droiture et selon la volonté de Dieu.

Notons d’emblée qu’il ne dit pas comme on pourrait le penser de prime abord, surtout à notre époque : « Que puis-je faire de bon pour aider les autres ? », ce qui serait très louable et montrerait son désir de servir son prochain avec abnégation, ou, d’une manière plus prosaïque comme l’auraient sans doute fait bon nombre de nos contemporains : « Que dois-je faire pour réussir dans ma vie, pour obtenir une condition sociale avantageuse, avec une belle maison, une voiture de luxe et le dernier matériel informatique performant ? ». J’ai été tenté d’ajouter en cette année 2021 : « pour me rendre en vacances dans l’espace interstellaire », puisque, comme vous le savez, il y a quelques semaines, deux personnages qui vivent dans l’opulence se sont offerts un voyage de quelques minutes dans l’espace, qui a coûté une somme gigantesque. Et cela constitue un vrai scandale pour les 2 milliards 800 millions de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, qui vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour, dont 800 millions de personnes sous-alimentées selon les chiffres officiels de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

L’interlocuteur de Jésus se place sur un autre plan, beaucoup plus élevé, le  niveau que je qualifierais de « suprême et indépassable », car il s’agit de « la vie éternelle », c’est-à-dire de la finalité ultime de toute vie humaine en ce monde. Et c’est pour cela que sa question nous intéresse, qu’elle vous intéresse, vous les jeunes qui recherchez ardemment le sens de votre vie et donc sa finalité. Pourquoi vivons-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quel est le vrai sens de la vie ?  Ensuite, l’homme qui s’adresse à Jésus l’appelle : « Maître », un mot qui est appliqué quarante-six fois au Christ Seigneur dans les évangiles. « Maître » signifie : « celui qui enseigne, celui qui conduit et guide les autres sur le chemin de la sagesse, de la vérité et du bien »... et, comme vous le savez, Jésus est lui-même la Vérité. Comme on peut le lire dans l’évangile de Matthieu : « Les foules restaient frappées de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes ».

L’interlocuteur de Jésus est donc bien conscient que la réponse de ce Maître hors-pair et exceptionnel ne sera comparable à nulle autre pareille, y compris parmi les hommes les plus sages et les plus doués qui ont vécu sur notre planète : je pense ici aux plus grands philosophes de cette époque, ceux de la Grèce antique comme Platon ou Aristote, ou, au XXI siècle, à tous ces gens angoissés qui font confiance à des maîtres de pacotille en parcourant fiévreusement les livres de la littérature ésotérique dans laquelle ils  pensent trouver des réponses à leur mal de vivre.

Qui était cet interlocuteur de Jésus ? Un évangéliste le qualifie de « jeune » : saint Matthieu, et les trois évangiles synoptiques à l’unanimité le décrivent comme « ayant de grands biens » (Matthieu et Marc), ou « d’extrêmement riche » : il s’agit de Luc qui ajoute le pouvoir à la richesse, car il affirme qu’il est un « notable », c’est-à-dire l’un des chefs du peuple. C’est donc un jeune homme riche, comblé de biens et doté d’une condition sociale avantageuse qui pose à Jésus cette question étonnante de la vie éternelle, alors qu’à première vue elle ne devrait pas tellement l’intéresser.

Je conclus cet avant-propos en vous signalant l’une des magnifiques méditations du Pape saint Jean-Paul II sur ce thème de la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche, un passage de l’évangile qu’il a maintes fois commenté : À l’occasion de l’Année Sainte extraordinaire de la Rédemption, en 1984, le Pape Jean-Paul II invita 300 000 jeunes à Rome pour la fête des Rameaux et toute la Semaine Sainte. Le Pape leur remit une Lettre Apostolique destinée aux jeunes du monde entier, dans laquelle il médite longuement le dialogue du Christ avec le jeune homme riche. Les Journées Mondiales de la Jeunesse – JMJ – étaient alors lancées pour pérenniser le succès de cette rencontre.

I – La nouvelle naissance

Posons-nous cette question centrale et décisive, qui est celle du jeune homme riche de l’évangile : celui-ci évoque la vie éternelle. Qu’est-ce donc que cette vie éternelle dont il parle ? Est-ce un concept abstrait, très éloigné de nos préoccupations matérielles du moment, y compris les plus légitimes, et une sorte de rêve, ou même un mythe que véhiculent toutes les religions pour, comme l’affirmait Karl Marx, justifier l’oppression des puissants sur les plus faibles en leur laissant entrevoir un avenir meilleur dans un autre monde qui n’existe pas ? La fameuse théorie de la « religion opium du peuple » ! Et comment obtient-on cette vie éternelle ? Par nos propres mérites ? Ou plutôt par un don particulier de Dieu ? Et si tel est le cas, dans quelle mesure participons-nous, par nos bonnes œuvres, à l’obtention de cette vie éternelle qui nous est promise ?

Pour répondre à cette question cruciale, je vous invite à relire avec moi le récit d’une  autre rencontre de Jésus, cette fois avec un notable juif : il s’agit de Nicodème, membre du Sanhédrin, qui vint le trouver de nuit. Cet épisode occupe tout le chapitre 3 de l’évangile selon saint Jean. Celui-ci nous raconte que Nicodème, qui était un homme juste et pieux, fut saisi par la puissance mystérieuse qui émanait de la personnalité de Jésus : en effet, sa doctrine et sa vie profondément ancrée en Dieu l’avaient touché au plus profond de son âme. Il avait sans doute assisté à certains miracles, comme celui qui avait eu lieu à la piscine probatique, la guérison de cet homme paralysé depuis trente-huit ans à qui Jésus avait intimé cet ordre : « Lève-toi, prends ton brancard, et marche ».

Nicodème, qui était un homme à la fois droit et humble, considérait positivement cet enseignement de Jésus, à qui il donnait, lui aussi, le nom de « Maître » ; il observait cet homme fascinant dont les miracles lui apportaient le signe incontestable de la véracité de ses propos : Nicodème entrevoyait l’irruption d’un monde nouveau, et c’est pourquoi il voulait pénétrer dans l’univers spirituel de cet homme, Jésus de Nazareth, à la fois exceptionnel et unique en son genre, d’où la question qui inaugura cet entretien singulier : « Rabbi (ou Maître), nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui ».

En d’autres termes, Nicodème va d’emblée au cœur du problème, celui de la relation intime et personnelle entre cet homme, Jésus, et Dieu lui-même. On dirait aujourd’hui qu’il pose une question fondamentale, celle de la véritable identité de Jésus en tant que vrai homme et vrai Dieu, et nous pouvons constater que, par la suite, cet entretien nocturne a porté des fruits de grâce et de conversion, car, comme vous le savez, c’est ce même Nicodème, membre du Sanhédrin, qui prendra la défense de Jésus, en rappelant aux autres membres de cette assemblée la règle suivante : « Notre loi ne permet pas de condamner un homme sans l’avoir entendu », et c’est aussi lui qui sera physiquement présent, plus tard, le Vendredi Saint, à la condamnation à mort de Jésus pour blasphème par ce même Sanhédrin dirigé par le grand-prêtre Caïphe, avant de rendre un hommage très touchant au Rédempteur de l’humanité en apportant, pour la sépulture du Christ Sauveur « un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres ».

Et voici la réponse stupéfiante de Jésus : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le Royaume de Dieu », ce qui signifie, ajoute-t-il que « personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu, car ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit ». Cela signifie que ce que tu veux, cher Nicodème, c’est-à-dire parvenir à la vie éternelle, n’est pas possible si tu comptes uniquement sur tes propres forces.

En effet, l’homme est « du monde » : s’il ne pense que par lui-même, quelque profondes et même géniales et vertigineuses que soient ses pensées, l’homme reste toujours au niveau du monde. Il lui faut donc autre chose, une autre dimension qu’il ne peut recevoir que de l’extérieur de lui-même, de Dieu. Il lui faut un nouveau commencement, de nouvelles fondations sur lesquelles il peut bâtir toute son existence.

Jésus pose ici le principe d’une nouvelle vie à laquelle tout homme est appelé à naître. Face à Nicodème qui , prenant les paroles de Jésus au sens littéral, ne les comprend pas, Jésus va plus loin et précise qu’il parle bien d’une nouvelle naissance réalisée par la venue de l’Esprit Saint Créateur dans l’âme de celui qui désire obtenir la vie éternelle. L’Esprit Saint, dont nous appelons la venue dans notre âme en chantant l’hymne « Veni Creator Spiritus » (« Viens Esprit Créateur ») nous affranchit des limites de notre première naissance, dont il fait la matière d’une « renaissance ». Comme le dit la liturgie de la Pentecôte : « Envoie ton Esprit, Seigneur, et tout sera recréé, et tu renouvelleras la face de la terre ».

Cette nouvelle naissance porte un nom : « Caritas » ou « Charité » : c’est l’Amour subsistant de Dieu qu’est le Saint Esprit, troisième Personne de la Très Sainte Trinité. C’est Lui, l’Esprit Saint, qui crée un être nouveau à partir de la venue au monde naturelle de la première naissance de chaque homme. Et notez bien que l’Esprit Saint a réalisé cela en tout premier lieu le jour de l’Annonciation lorsque, par Lui, le Seigneur Jésus, le Verbe de Dieu, s’est fait homme dans le sein très pur de la Sainte Vierge Marie. Et par la foi et donc par la Rédemption accomplie par le Christ, tout homme peut recevoir ce don de la nouvelle naissance qui a pour nom : « la vie éternelle ».

Ce qui fait dire à Jésus, en conclusion de son entretien avec Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ».

II – Le baptême

Notre réflexion sur la vie éternelle ne s’arrête pas à la constatation que nous devons renaître, par l’Esprit Saint, à une vie nouvelle, cette « renaissance » ou nouvelle naissance dont parlait Jésus à Nicodème. Il faut aller plus loin en abordant la question du « comment » obtenir la vie éternelle. Jésus nous transmet la réponse par son propre exemple.

L’évangile de saint Marc commence avec le récit du baptême de Jésus par son cousin : saint Jean Baptiste pour souligner son importance primordiale : le baptême de Jésus est semblable aux portails des grandes cathédrales gothiques, ornés d’un tympan sculpté représentant le Christ Juge ou Pantocrator, par lesquels on doit passer pour accéder au sanctuaire, c’est-à-dire à  la Révélation du Salut opéré par le Christ. L’évangile nous dit que « Jésus fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit Saint descendre sur lui comme une colombe. Et il y eut une voix venant des cieux : "Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie" ».

Ce texte contient ce qui constitue l’élément essentiel du sacrement de baptême : en effet, la Très Sainte Trinité  – le Père et le Fils et le Saint-Esprit – est invoquée dans la formule : « Jacques, Philippe, Marie-Madeleine, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Voilà pour la forme du sacrement. Quant à la matière, saint Jean Baptiste l’avait annoncée lui-même en affirmant avant de baptiser Jésus : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint ».

L’eau est donc la matière du sacrement : depuis toujours, les hommes ont vu en elle un symbole à la fois de la vie et de la mort : le Seigneur Jésus a fait sien ce symbolisme présent dans l’Ancien Testament, depuis les eaux des premiers instants de la Création jusqu’à l’eau du Déluge, et cette eau vive qui jaillit du côté droit du Temple de Jérusalem, vers l’Orient, dans la vision du prophète Ézéchiel, et Jésus y a introduit le mystère de la présence et de l’œuvre de l’Esprit Saint.

Mais il y a plus : dans sa première lettre, saint Jean ajoute encore un autre élément au baptême, sans lequel celui-ci ne serait encore qu’un symbole : en plus de l’eau et de l’Esprit Saint, il y a aussi le sang, qui est celui de la Rédemption, de la mort de Jésus sur la croix. Jean affirme ceci : « C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit Saint, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un ».

Le sang versé par le Christ Rédempteur est donc le troisième élément indissociable du baptême. En effet, l’apôtre et évangéliste saint Jean, le disciple que Jésus aimait, a été témoin de la mort du Seigneur. C’est un fait historique ! Il a écrit dans son évangile : « L’un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ».

Saint Jean attache une très grande importance à l’ouverture du Côté de Jésus, au jaillissement du sang et de l’eau du Sacré Cœur du Christ. Pour souligner l’historicité de cet événement, il affirme qu’il parle de ce qu’il a vu. Il révèle aussi son intention : témoigner. Or, on peut déjà  découvrir ce signe du sang dans l’épisode des noces de Cana : en effet, l’eau changée en vin annonce le vin transformé en Sang du Christ dans le sacrement de la Très Sainte Eucharistie.

Dans son discours après la multiplication des pains, Jésus a révélé qu’il faudrait manger sa chair et boire son sang pour participer à la vie du Royaume de Dieu. La foule et la majorité des disciples se sont scandalisés des paroles de Jésus : comment manger sa chair et boire son sang ? Mais Jésus insiste : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ».

Sans l’Esprit Saint, il serait impossible d’accepter cette vérité de foi ! C’est sacramentellement que nous buvons le Sang du Christ ! On comprend encore davantage le lien entre le sang et l’Esprit Saint. À la Messe, c’est l’Esprit Saint, invoqué sur le pain et le vin, qui transforme les oblats en Corps et Sang de Jésus. C’est aussi ce même Sang de Jésus, indissociablement lié à Esprit Saint qui, dans l’âme du baptisé, agit pour que, mis au tombeau avec le Christ, il ressuscite pour la vie éternelle. C’est ce qu’exprime saint Paul dans son épître aux Romains : « Si nous sommes morts au péché, comment continuer de vivre en lui ? Ou bien ignorez-vous que baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle …mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui ».

Saint Ambroise de Milan a développé cet aspect du Mystère de la Rédemption appliqué au baptême dans ce texte magnifique : « Sans l’invocation de la croix du Seigneur, l’eau n’est d’aucune utilité pour le salut ; mais lorsqu’elle a été consacrée par le mystère de la croix qui donne le salut, elle est toute prête pour fournir le bain spirituel et la boisson du salut... C’est pour cela que tu as lu qu’il y a dans le baptême trois témoins qui se rejoignent en un seul témoignage : l’eau, le sang et l’Esprit Saint. Car, si tu en retires un seul, le sacrement de baptême disparaît. Qu’est-ce que l’eau, en effet, sans la croix du Christ ? Un élément ordinaire sans portée sacramentelle... Le catéchumène croit, lui aussi, en la croix du Seigneur Jésus, dont il a reçu le signe, mais s’il n’a pas été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, il ne peut recevoir le pardon de ses péchés, ni recueillir le don de la grâce spirituelle ».

III – La foi

Etre né de Dieu par le baptême est donc un point de départ. Le baptisé doit ensuite mettre en œuvre durant toute sa vie ce qu’il a reçu : ce germe de vie est destiné à se développer et à mûrir pour porter beaucoup de fruits de sainteté. Certes, le nouveau baptisé est né de l’eau, du sang et du Saint-Esprit ; il est donc enfant de Dieu. Mais il lui faut encore devenir un véritable fils ou fille de Dieu par le témoignage d’une vie chrétienne authentique. Et c’est ici qu’apparaît le dernier terme qui est l’objet de notre méditation sur la vie éternelle : la foi.

En effet, selon saint Paul, la charité, fruit de l’Esprit Saint, qui est répandue dans l’âme du baptisé, met la foi en œuvre, il la rend agissante « car la foi opère à travers la charité » dit St Paul aux Galates. Pour bien saisir le lien étroit entre la foi et la vie éternelle, il suffit de citer le rituel du baptême des petits enfants. Voici ce que les parents répondent au ministre de l’Église dans le dialogue initial du sacrement : à la question : « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? », ils répondent : « La foi ». Puis, à la demande suivante : « Que vous apporte la foi ? », les parents répondent au nom de l’enfant : « La vie éternelle ».

Mais, me direz-vous, qu’est-ce que la foi ? Cette question est centrale, car nous vivons dans un monde qui, comme l’ont dit maintes fois les Papes Jean-Paul II et Benoît XVI, « vit comme si Dieu n’existe pas », d’où l’initiative du Pape Benoit XVI d’une Année de la foi en 2012-2013, qu’il présentait en ces termes dans l’homélie de la Messe d’ouverture du 11 octobre 2012 :

« Les dernières décennies ont connu une "désertification" spirituelle. Ce que pouvait signifier une vie, un monde sans Dieu, au temps du Concile Vatican II, on pouvait déjà le percevoir à travers certaines pages tragiques de l’histoire, mais aujourd’hui nous le voyons malheureusement tous les jours autour de nous. C’est le vide qui s’est propagé. Mais c’est justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous pouvons découvrir de nouveau la joie de croire, son importance vitale pour nous, les hommes et les femmes. Dans le désert on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la soif de Dieu, du sens ultime de la vie, sont innombrables bien que souvent exprimés de façon implicite ou négative. Et dans le désert il faut surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin vers la Terre promise et ainsi tiennent en éveil l’espérance. La foi vécue ouvre le cœur à la grâce de Dieu qui libère du pessimisme. Aujourd’hui plus que jamais évangéliser signifie rendre témoignage d’une vie nouvelle, transformée par Dieu, et ainsi indiquer le chemin... Voici la façon dont nous pouvons penser cette Année de la foi : un pèlerinage dans les déserts du monde contemporain, au cours duquel il nous faut emporter seulement ce qui est essentiel : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent et n’ayez pas deux tuniques – comme dit le Seigneur à ses apôtres en les envoyant en mission (cf. Lc 9,3) – mais l’Évangile et la foi de l’Église dont les documents du Concile œcuménique Vatican II sont l’expression lumineuse, comme l’est également le Catéchisme de l’Église catholique ».

Le Pape Benoît XVI décrivait alors le mal de notre XXI siècle tout en suggérant le remède à cette apostasie qui, telle une lèpre, ronge les âmes de nos contemporains, et aussi nos sociétés sécularisées, en les laissant exsangues sur le plan spirituel. En effet, chers jeunes, vous connaissez tous des gens qui n’ont pas la foi ou qui ont plus ou moins abandonné la foi, et vous en rencontrez tous les jours dans vos familles, parmi vos amis, et sur vos lieux d’études, de travail, de loisirs... Et puis, combien parmi les baptisés qui déclarent avoir la foi, vont à la Messe chaque dimanche, se confessent régulièrement et prient chaque jour ? Combien de chrétiens acceptent de recevoir filialement tout l’enseignement de l’Église, y compris celui qui concerne la morale ? Et puis, sans doute, chacun de vous a-t-il vécu à sa façon le passage d’une foi d’enfant à une foi d’adulte, qui correspond souvent à la crise de l’adolescence...

Pour progresser dans la connaissance de cette vertu théologale de la foi, nous devons préalablement nous libérer d’une fausse idée la concernant. Je voudrais évoquer une ambiguïté quant à l’objet de la foi : beaucoup de chrétiens sont persuadés qu’avoir la foi consiste à être convaincu de l’existence de Dieu et de celle de Jésus de Nazareth.

IV – La vie éternelle et la Foi

Avançon un peu plus dans l’approfondissement de notre Foi. On peut affirmer que la vie éternelle est déjà commencée, puisqu’elle nous est déjà donnée par le baptême. Toutefois, la résurrection de la chair est à venir. Elle se réalisera pour tous à la fin des temps, lorsque Jésus reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts. Le baptême nous fait entrer dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Cette vie baptismale trouvera son accomplissement le jour de notre résurrection où, par Jésus et dans l’Esprit Saint, nous rentrerons dans une parfaite connaissance de la Sainte Trinité et nous serons parfaitement en Dieu.

Jésus dit en s’adressant à son Père : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissaient, toi, le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ». Or la connaissance dans la mentalité juive n’est pas un savoir simplement conceptuel. Dans le langage biblique, connaître signifie plus que le savoir ; c’est partager la même vie et ici, en l’occurrence, la Vie de Dieu. Connaître Dieu, avoir la Vie éternelle, est donc possible dès ce monde quand on vit pleinement la foi, l ’espérance et la charité.

Dès aujourd’hui, se convertir au Christ, croire, espérer, aimer, rompre avec le péché, renoncer à soi-même est déjà le chemin de la Vie éternelle. C’est cela être baptisé dans la mort et la résurrection du Christ : c’est apprendre à aimer et à se donner pour que dès maintenant, nous prenions le chemin d’une vie de don de soi, de cet amour qui dépasse infiniment la vie de cette terre et qui s’accomplira à travers notre mort et notre résurrection. C’est ainsi que nous pouvons comprendre la destination des âmes qui vont au Ciel, au purgatoire ou en enfer.

Le Ciel où vivent les saints connus ou inconnus avec les anges. Le purgatoire où a lieu la purification de la moindre trace de péché, d’égoïsme et de repliement sur soi qui existe encore au moment de la mort. Enfin, l’enfer où gisent, en compagnie des démons ou anges déchus, les damnés qui ont refusé volontairement et catégoriquement d’aimer Dieu, car il est vrai que tout homme, créé libre, peut refuser la communion que Dieu lui offre de vivre avec lui.

Mais Dieu seul connaît le cœur de l’homme, et il offre à chacun, à chaque instant, jusqu’au jugement personnel après la mort corporelle, la grâce nécessaire et suffisante pour répondre favorablement à son Amour. Toutefois, ce jugement personnel que chacun vivra face au Christ au moment de sa mort ne sera pas encore la fin. Jésus nous dit : « On verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel ». C’est le jugement dernier. Et Jésus ajoute : « Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père ». Pas même le Fils, car Jésus n’est pas venu pour le révéler. Seul le Père connaît ce Jour.

Il n’y a donc aucun intérêt d’écouter les faux prophètes ou les faux messies qui annoncent ce Jour du Seigneur en donnant une date précise. Ce jour là, Jour du Seigneur, toute la création et chaque événement seront vus dans l’histoire du Salut. Plus précisément, toute créature sera vue à la place qu’elle aura tenue dans le plan du Salut. On pourra alors parler de Cieux nouveaux et d’une Terre nouvelle.

Après la vie terrestre – cette vie qui est unique et ne se reproduit pas contrairement à ce que croient les adeptes de la réincarnation – Dieu nous ressuscitera tous au dernier Jour, comme il l’a déjà fait pour son Fils Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, premier-né d’entre les morts. Comme il l’a déjà fait avec la Très Sainte Vierge Marie dans son Assomption que nous célébrerons dans quelques jours, le 15 août.

V – Témoin du Christ

Ainsi, on obtient la vie éternelle en étant un témoin du Christ. Ce mot « témoin » fait aussitôt penser à celui de « martyr » qui est le mot grec correspondant à celui de « témoin ». Et nous savons que le martyre apparaît, à la suite du Christ, comme un grand acte d’amour en réponse à l’immense Amour de Dieu. Comme le dit la Constitution sur l’Eglise du Concile Vatican II Lumen Gentium : « Le martyre dans lequel le disciple est assimilé à son maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et dans lequel il devient semblable à lui (…)est considéré par l’Eglise comme une grâce éminente et la preuve suprême de la charité ».

D’ailleurs, l’Eglise  enseigne depuis toujours que ceux qui subissent la mort en raison de la foi, sans avoir reçu le Baptême, sont baptisés par leur mort pour et avec le Christ. Et ce baptême du sang porte tous les fruits du Baptême, sans être un sacrement. Saint Jean Chrysostome explique ce qu’est ce baptême du sang : « Et ne vous étonnez pas que j’appelle le martyre un baptême, puisque le Saint-Esprit descend alors avec l’abondance de ses grâces ; puisque c’est la rémission des péchés, l’âme purifiée d’une manière merveilleuse, étonnante ; et, de même que ceux qu’on baptise sont lavés dans l’eau, de même les martyrs sont lavés dans leur propre sang ».

Dans l’Apocalypse selon saint Jean, il est question de la « couronne de vie » à propos des martyrs : « Sois sans aucune crainte pour ce que tu vas souffrir. Voici que le diable va jeter en prison certains des vôtres pour vous mettre à l’épreuve, et vous serez dans la détresse pendant dix jours. Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de la vie ». Cette couronne est destinée à tous les baptisés fidèles, mais elle est particulièrement offerte à ceux qui souffrent, qui subissent la persécution pour Jésus, et bien souvent jusqu’à la mort.

A l’occasion du Grand Jubilé de l’an 2000, le Pape saint Jean-Paul II avait invité les chrétiens à ouvrir les yeux sur les martyrs de notre époque. Au Colisée, le 7 mai 2000, au cours de la Commémoration œcuménique des témoins de la foi au XX siècle, le Pape polonais a rappelé que l’expérience des martyrs et des témoins de la foi n’est pas une caractéristique propre aux premiers temps de l’Église, mais qu’elle est la marque de chaque période de son histoire. Puis, il a souligné le fait qu’au cours du vingtième siècle, peut-être plus encore que dans les débuts du christianisme, très nombreux ont été ceux qui ont témoigné de la foi au milieu de souffrances qu’ils ont endurés d’une manière héroïque. Ils ont subi des formes de persécutions anciennes et nouvelles, ils ont fait l’expérience de la haine et de l’exclusion, du mépris et du rejet, de la violence et de l’assassinat. Le XX siècle a connu les horreurs de deux guerres mondiales, les camps de concentration, les génocides...

Chers jeunes ici présents, pour bien comprendre ce que signifie être témoins du Christ, vous devez prendre les martyrs comme des exemples et des intercesseurs, et relire l’histoire des martyrs de notre époque en méditant ces paroles de l’Apocalypse de saint Jean : « J’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : "Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau !" »… L’un des vieillards prit alors la parole et me dit : ces gens vêtus de robes blanches, Qui sont-ils et d’où viennent-ils ? Le livre l’Apocalypse nous répond : « Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes et ils les ont blanchies dans le sang de l’Agneau ».

Ce sont tous ceux qui, à notre époque, n’ont pas renoncé à leur foi malgré les souffrances, les menaces et les persécutions ; ce sont ceux qui ont cru que le Salut appartient à notre Dieu. Ils habitent des pays différents, ils parlent diverses langues : tant de peuples, tant d’Églises ont souffert et souffrent encore pour le Nom béni du Christ. Ce sont les déportés, à cause du Nom de Jésus, des goulags soviétiques, comme ceux des îles Solovsky en Russie, qui témoignent aujourd’hui que, jusqu’en 1990, dans ce camp de travail, ils assistaient à la renaissance spirituelle de la Russie, que nous constatons aujourd’hui, semblable à la naissance de la première chrétienté ; ainsi, ils voyaient clairement l’union des Églises en la personne des évêques, des prêtres et des fidèles catholiques et orthodoxes unis dans la souffrance pour l’amour du Christ Notre Seigneur. Ces camps et aussi ces asiles psychiatriques dans lesquels les régimes communistes enfermaient leurs opposants existent encore : en Chine, en Corée du Nord, au Laos... Ce sont aussi les innombrables victimes du nazisme dont saint Maximilien-Marie Kolbe, qui dans l’enfer d’Auschwitz, demanda à être enfermé dans le bunker de la faim à la place d’un père de famille. Nous allons fêter ce grand martyr polonais le 14 août prochain, la veille de la solennité de l’Assomption.

Et puis, il y a les missionnaires, dont je ne vous donne qu’un exemple parmi tant d’autres : en 1995, six religieuses italiennes de la Congrégation des Pauvres de Bergame sont mortes de l’épidémie du virus « Ebola » au Congo : elles avaient voulu rester avec les malades pour les aider et les soigner. L’une d’elles, Soeur Dinarosa déclara : « Je reste, car ma mission est de servir les pauvres, comme Jésus mon Maître et Seigneur. Je suis ici pour suivre ses traces... ».

Et, pour demeurer en Afrique, le continent dont je suis originaire, je voudrais citer un dernier exemple en guise d’illustration d’une autre forme de martyre, le martyre de la haine ethnique : le 30 avril 1996, au Burundi, déchiré par une guerre civile entre Hutus et Tutsis, quarante séminaristes appartenant à ces deux ethnies ont été massacrés ensemble au séminaire de Buta. Leurs bourreaux les avaient enfermés dans une même pièce, puis ils leur avaient demandé de se répartir entre Hutus et Tutsis, mais ils refusèrent en affirmant qu’ils étaient d’abord et avant tout des chrétiens et que le baptême les unissaient dans le Christ.

Alors, chers jeunes, je vous pose cette question : « Voulez-vous embrasser l’héritage de ces martyrs sous le signe de la Croix et de la Résurrection ? ». C’est le beau combat de la foi que vous aurez à mener et que bon nombre d’entre vous mènent déjà avec un grand courage. Regardons ensemble quels sont les éléments de ce combat : face à l’arrogance du Goliath des puissances financières et médiatiques, lourdement armé et protégé par la cuirasse de ses fausses certitudes et par les nouvelles lois contre la vie, l’Église catholique du XXI siècle, au moins en Occident, et de plus en plus dans les pays de l’Europe orientale, ressemble au petit reste dont parlent les Saintes Écritures.

En effet, l’Église catholique, tel David, dispose seulement du petit caillou de l’Évangile de la Vie et de la Vérité, et pourtant, par votre témoignage, elle est capable de frapper le géant en pleine tête et l’abattre. David était un jeune et, comme vous, il devait ressentir sa propre faiblesse, son manque d’expérience et son extrême impuissance, et pourtant il n’a pas hésité à affronter Goliath, ce monstre d’orgueil avec comme seule arme son petit caillou de l’humilité. De fait, – et vous le savez bien –  il s’agit d’une bataille, à la fois très âpre et décisive, qui sera longue et s’apparente à celle des fins dernières décrites dans le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse que nous avons déjà cité à propos des martyrs.

Ainsi, il en va de la survie de l’humanité elle-même. Le « dragon infernal rouge-feu, avec sept têtes et dix cornes », prototype de cette culture de mort dénoncée par saint Jean-Paul II et ses successeurs, dans leur enseignement, se tient devant la femme enceinte, prêt à dévorer l’enfant à sa naissance, et à « nous » dévorer également, car nous sommes les enfants de Dieu depuis notre baptême. La queue du Dragon balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. Il est le symbole des puissances démoniaques qui dominent aujourd’hui le monde.

Soyons conscients que, une nouvelle fois, et cela est arrivé bien souvent dans sa longue histoire bimillénaire, l’Église constitue le dernier rempart contre la barbarie : il ne s’agit plus ici des Barbares païens des premiers siècles qui envahirent l’Empire romain, ni même du combat des papes du XX siècle – de Pie XI à saint Jean-Paul II – contre les divers totalitarismes qui ont ensanglanté l’Europe et le reste du monde, il s’agit d’une barbarie aseptisée en laboratoire, terriblement efficace, que l’opinion publique ne perçoit pratiquement pas, puisqu’elle est anesthésiée et rendue comme ivre et inconsciente par les Goliath des puissances financières et médiatiques.

Oui, il s’agit bien d’un combat… à la vie et à la mort : si ce n’était pas le cas, pourquoi oppose-t-on constamment aux défenseurs de la vie humaine qui refusent l’avortement, des lois qui visent à entraver leurs actions en faveur des enfants à naître au nom d’une fausse conception de la liberté de la femme qui, selon les partisans de ce crime abominable, disposerait librement de son corps au mépris de la vie de l’enfant qu’elle porte en elle ? Et nous constatons douloureusement que l’opinion publique demeure trop souvent inerte et indifférente devant l’obligation impérieuse de défendre l’enfant à naître.

Au-delà de l’aspect moral qui nous interdit de porter atteinte à toute vie humaine, surtout lorsqu’elle est innocente et sans défense, la protection de l’embryon est la condition sine qua non pour sortir toute civilisation de la barbarie de notre époque et assurer l’avenir de notre humanité. Le signe clinique le plus impressionnant, indiquant que nous allons vers l’abîme et un gouffre sans fond, c’est l’augmentation dramatique du refus de la vie. L’homme de la société de consommation devient toujours plus insensible au respect sacré de la vie humaine. Il ne comprend plus que la personne humaine puisse être un absolu et possède une dignité sacrée que nous n’avons pas le droit de manipuler à notre guise.

Et c’est pourquoi le combat pour la vie concerne aussi le faux et scandaleux « mariage » homosexuel légalisé dans de nombreux pays occidentaux, ces aberrations que sont la Procréation Médicale Assistée (PMA), et la Gestation Pour Autrui (GPA), ainsi que la théorie proprement délirante et mortifère dite du « genre » ou « gender », et ne parlons pas du transhumanisme, qui est proprement terrifiant : jusqu’où va-t-on aller dans cette descente aux enfers ? En effet, avec le transhumanisme, cela signifie que « l’humanité augmentée » sera le triomphe de l’eugénisme et de la sélection du meilleur capital génétique parmi tous les êtres afin de créer le surhomme idéal. En réalité, le transhumanisme va réaliser, grâce aux techno-sciences, le rêve prométhéen du nazisme. Comme dans le nazisme, y aura-t-il une race des seigneurs ? Si oui, sur quels critères ? Et, dans ce cas, que fera-t-on des « sous-hommes », selon la terminologie nazie, dont le travail aura été remplacé par des machines ? Ces questions sont terrifiantes et nous glacent jusqu’au sang.

Dans l’encyclique Evangelium Vitae, le Pape saint Jean-Paul II déclarait que « nous sommes face à une réalité… que l’on peut considérer comme une véritable structure de péché, caractérisée par la prépondérance d’une culture contraire à la solidarité, qui se présente dans de nombreux cas comme une réelle ˝culture de mort˝… Par sa maladie, par son handicap, beaucoup plus simplement, par sa présence même, celui qui met en cause le bien-être ou les habitudes de vie de ceux qui sont plus favorisés, tend à être considéré comme un ennemi dont il faut se défendre ou qu’il faut éliminer. Il se déchaîne ainsi une sorte de conspiration contre la vie ».

Et le Pape François, quant à lui, qualifie sans détour cette « culture du déchet » qui « ne s’applique pas seulement à la nourriture ou aux biens superflus qui sont objets de déchet, mais souvent aux êtres humains eux-mêmes, qui sont “jetés” comme s’ils étaient des “choses non nécessaires” ». Et il ajoute : « La seule pensée que des enfants ne pourront jamais voir la lumière, victimes de l’avortement, nous fait horreur ». Ainsi, le Pape François nous appelle à une mobilisation générale pour la Vie.

VI – Le mariage chrétien, voie de sainteté et de bonheur

Enfin dernier point, essentiel : la meilleure arme du combat pour la foi consiste à rendre témoignage pour la Vie. Oui, comme le disait déjà le Pape saint Paul VI, le monde attend de vous, plus que des paroles ; il veut voir les témoins du Bel Amour conforme à la sainte Volonté de Dieu, celui du mariage. Alors, chers jeunes, soyez heureux de vivre de vraies fiançailles, sans cohabitation, pour bien vous préparer à ce jour unique du « oui » définitif que vous prononcerez en vous mariant.

Rappelons brièvement ce qu’est le sacrement de mariage : il signifie l’union du Christ et de l’Église. Il donne aux époux la grâce de s’aimer de l’amour dont le Christ a aimé son Église d’une façon totale, exclusive et irrévocable. La grâce du sacrement perfectionne ainsi l’amour humain des époux, affermit leur unité indissoluble et les sanctifie sur le chemin de la vie éternelle.

L’essentiel du sacrement de mariage est l’échange des consentements : le double « oui » réciproque que les fiancés s’échangent pour la vie. Un sacrement est le signe visible d’une réalité invisible. Ainsi, les fiancés offrent-ils le signe visible de leur amour afin que celui-ci devienne image de l’Amour du Christ pour son Église, et cet Amour est infini, exclusif, définitif et ne sera jamais repris. L’Église garantit, par le sacrement de mariage, la présence du Christ au cœur même du couple.

Cette présence de Jésus est une présence d’Amour, de joie, de paix et de réconciliation, là où la relation d’amour amène d’inévitables blessures. Un couple qui accepte de faire de son foyer une « petite Église » ou « Église domestique » devient un reflet unique du visage de Dieu : la fidélité, le don généreux de la vie, l’hospitalité, l’ouverture aux autres malgré les soucis de toutes sortes, l’esprit de louange et de joie, même dans les épreuves, la fidélité à l’alliance, au cœur des difficultés conjugales, la persévérance et la stabilité dans le don de soi, la sobriété de vie, l’accueil du pauvre… : tels sont les traits principaux de la sainteté conjugale, que chaque foyer chrétien incarne différemment.

Alors, chers jeunes, osez l’aventure du mariage chrétien ! L’Église pose des exigences qui sont étroitement liées à l’amour matrimonial et conjugal vrai, c’est-à-dire responsable. C’est pourquoi elle prône la paternité et la maternité responsables en refusant « toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation », et elle prône « par rapport aux tendances de l’instinct et des passions, la nécessaire maîtrise que la raison et la volonté doivent exercer sur elles ».

Il s’agit de la vertu de chasteté qui consiste à « l’apprentissage de la maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté humaine », dit le Catéchisme de l’Église Catholique. En effet, la chasteté est une vertu morale. Elle est aussi un « don de Dieu, une grâce, un fruit de l’œuvre spirituelle. En effet, le Saint-Esprit donne d’imiter la pureté du Christ à celui qu’a régénéré l’eau du Baptême ». Et rappelons aussi que parmi les péchés gravement contraires à la chasteté, il faut citer la masturbation, la fornication, la pornographie et aussi les pratiques homosexuelles – j’insiste sur le mot : « pratiques » – qu’il faut distinguer des tendances qui peuvent affecter certaines personnes.

Je ne nie pas que ce sont des exigences qui vont à l’encontre de l’esprit et du mode vie laxiste du monde actuel. Mais c’est justement en cela que se trouve le point essentiel de notre propos : à savoir que l’homme se réalise vraiment lui-même seulement dans la mesure où il sait s’imposer des exigences à lui-même. Dans le cas contraire, il s’en va « tout triste », comme le jeune homme riche de l’évangile. Comme l’a maintes fois affirmé le Pape saint Jean-Paul II aux jeunes : « La permissivité morale ne rend pas les hommes heureux. La société de consommation ne rend pas les hommes heureux. Elles ne l’ont jamais fait ».

Et voici ce qu’il ajoutait au sujet de la vertu de chasteté : « Jeunes gens et jeunes filles, ayez un très grand respect de votre corps et du corps des autres ! Que votre corps soit au service de votre moi profond ! Que vos gestes, vos regards, soient toujours le reflet de votre âme ! Adoration du corps ? Non, jamais ! Mépris du corps ? Pas davantage. Maîtrise du corps ! Oui ! Transfiguration du corps ! Plus encore ! ».

CONCLUSION

Je voudrais conclure cet enseignement par cette question : « Comment peut-on croire en Dieu aujourd’hui ? ». Je vous invite à méditer cette phrase de saint Augustin : « Si comprehendisti, non est Deus », ce qui signifie : « Si tu l’as compris, c’est que ce n’est pas Dieu ». En effet, si tu penses avoir saisi qui est Dieu, si tu l’as maîtrisé comme on aborde et comprend un formule mathématique ou de physique nucléaire, alors, de ce fait même, ce n’est pas de Dieu dont tu parles.

Dans le prolongement de cette pensée, je voudrais vous lire cette prière qui nous vient d’un grand auteur chrétien du IV siècle, saint Grégoire de Nazianze (329-390), qui vivait en Cappadoce. Ce sera ma prière avec vous et pour vous :

 

« O Toi, l’au-delà de tout, n’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de Toi ?

Quelle hymne te dira, quel langage ?

Aucun mot ne t’exprime. À quoi l’esprit s’attachera-t-il ?

Tu dépasses toute intelligence. Seul, tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de Toi.

Seul, tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de Toi.

Tous les êtres,

ceux qui parlent et ceux qui sont muets, te proclament.

Tous les êtres,

Ceux qui pensent

Et ceux qui n’ont point de pensée, te rendent hommage.

Le désir universel,

L’universel gémissement tend vers Toi.

Tout ce qui est te prie,

et vers Toi tout être qui pense ton univers fait monter un hymne de silence.

Tout ce qui demeure, demeure par Toi ; par Toi subsiste l’universel mouvement.

De tous les êtres tu es la fin ;

Tu es tout être, et tu n’en es aucun.

Tu n’es pas un seul être,

Tu n’es pas leur ensemble.

Tu as tous les noms, et comment te nommerai-je,

Toi le Seul qu’on ne peut nommer ?

Quel esprit céleste pourra pénétrer les nuées qui couvrent le ciel même ?

Prend pitié

O Toi, l’au-delà de tout, n’est-ce pas tout ce qu’on peut chanter de toi ? Amen. »

Chers jeunes, je vous bénis au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

AMEN.

 

Nota bene: Ceci est le texte intégral de la catéchèse du cardinal. Lors de la conférence, certaines parties ont été omises.